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Béziers, la ville de Jean Moulin, jour 6

BÉZIERS. Arrivée par la D609


Vitrine d'un bouquiniste

En creusant un peu dans les archives de la sous-préfecture et avec quelques documents en ligne, je découvre que mon grand-père a été arrêté à Béziers en 1941 pour être transféré à Rivesaltes probablement sur l’ordre d’un commissaire de police du nom de Ménard, le même nom que le maire actuel. Je me sens fébrile, une sensation de resserement allant de ma nuque à mon diaphragme.

Mon grand-père a été transféré à l’ilôt Q du camp de Rivesaltes, puis à l’ilôt F car il était un homme indésirable valide. Il n’était pas une femme ni un enfant sinon il aurait été transféré à l’ilôt J. Il n’était pas un terroriste ni anarchiste sinon il aurait été envoyé au camp de Gurs, il n’était pas un polonais ou un russe des brigades internationales sinon il aurait pu partir dans un camp en Algérie. Il n’était pas juif sinon il aurait été, dès 1942 renvoyé à l’ilôt Q. L’ilôt K servait à la réception au criblage et au triage des arrivants. Il avait réussi à s'enfuir d'Argelès-sur-mer un an auparavant.


Dès l’arrivée des réfugiés républicains espagnols puis dans les années qui suivent, le gouvernement français promulgue deux décrets au sujet du contrôle et de la surveillance des étrangers. Dans le second décret, sont définis comme « étrangers indésirables » ceux dont les titres de séjour ne sont pas en règle et qui ne disposent pas d’un contrat de travail dûment signé avec une entreprise précise ; une sous-catégorie est prévue pour les apatrides (c'est-à-dire, le plus souvent, des Juifs fuyant le nazisme). Les mariages « mixtes » et les procédures de naturalisation sont sévèrement réglementés tandis que le procédé de déchéance est facilité. Il est également recommandé de diriger les indésirables vers des « centres spéciaux » pour les surveiller en permanence. Le 22 juillet 1940, une première loi sur la déchéance de nationalité avait été voté.

Aujourd’hui une nouvelle loi sur la déchéance de nationalité a été votée. Mr Ménard, maire de Béziers et proche du FN a déclaré il y a quelques temps : « être français se mérite ! ».


Je me promène, je discute un peu dans un café, une librairie. Discussions ordinaires. On me glisse que la ville est plus tranquille, que c’est moins le bordel qu’avant !

De petits haut-parleurs diffusent de la musique. Un morceau de rap passe : « tu es venu au monde, n’attends pas que le monde vienne à toi. La vie appartient à ceux qui se lève tôt ». Il y a du linge suspendu à certaines fenêtres ! Une ville reste une ville avec ses habitants qui vivent ordinairement. Si je ne m’enfonce pas dans les réalités les plus intimes, ou auprès des acteurs culturels ou sociaux, rien ne semble avoir changé du fait de la nouvelle mairie.

Je vais m’installer à la médiathèque. C’est mercredi. Il y a du monde. Des jeunes filles, certaines voilées, participent à un atelier vidéo qui consiste à suivre une chorégraphie montrée à l’écran en étant filmé. Je monte à l'étage et m'installe à une table entre des adolescents chahuteurs et des étagères chargées de livres sur la tauromachie.




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